Histoire de Petit Homme

Bien qu'elle soit aujourd'hui surtout connue pour son rôle d'auteure de manuels scolaires, Marie Robert Halt commença sa carrière en tant que romancière à succès, écrivant à la fois pour les enfants et les adultes. En 1882, alors qu'elle avait 33 ans, C. Marpon et E. Flammarion publièrent son premier roman, Histoire d'un petit homme. Ce roman raconte l'histoire d'Etienne, qui quitte la maison à l'âge de 15 ans pour gagner sa vie et aider à soutenir sa famille. Après avoir surmonté de nombreux obstacles et passé une période en Angleterre, il revient en France après la chute de Napoléon III pour diriger avec succès une succursale d'une entreprise de fabrication britannique. Le roman reçut le prix Montoyon de l'Académie française pour "les œuvres utiles à la morale", qui loua “le récit… vif”, et “le style élégant”du roman. Marpon et Flammarion publièrent presque toutes les œuvres littéraires de Marie Robert Halt, souvent sous forme de livres d'étrennes ou livres de prix magnifiquement illustrés.

À partir d’Histoire d'un petit homme, l'Angleterre et les Anglais devinrent des motifs récurrents dans plusieurs œuvres ; un reflet du temps qu'elle y passa entre 1873 et 1875. En 1882, elle publie en feuilleton La Défaite de Mister James dans le journal Le Temps et Les Suites d'un Cook's tour dans Le XIXe Siècle. Ces deux textes se moquent des travers culturels et religieux anglais. Marpon et Flammarion publièrent ces textes en 1885 sous forme de volume intitulé Ladies et Gentlemen sous la signature de Marie Robert Halt et de son mari. Alors que son travail pour les adultes se caractérisait par une satire sociale assez mordante, ses romans pour enfants et jeunes adultes continuèrent dans la veine moralisatrice évidente dans Histoire d’un petit homme.

En 1884, elle publie son roman La Petite Lazare, précédemment publié en feuilleton sous le titre La Petite Job dans le journal La République Française. La protagoniste est une orpheline maltraitée par les paysans qui l’accueillent. Halt remet explicitement en question les fins typiques du style contes de fées en faisant en sorte que Lazare ne se marie pas avec un jeune homme riche qu'elle aimait, mais réussit modestement en tant qu'institutrice. Comme le nota un critique dans le journal Le XIXe Siècle, ce réalisme offre "une voie nouvelle trouvée au roman pour la jeunesse”. En 1887, elle publie Monsieur Maurice, un autre roman pour jeunes adultes. Le communiqué de presse publié dans L'Intransigeant (9 juin 1887) et dans La Nation (13 juin), notait : "Monsieur Maurice se recommande à la jeunesse, et en même temps aux gens de goût, par les qualités de bonne humeur, de finesse, d’observation et de pénétrante morale sans discours". En 1890, Halt publia Jacques la Chance et Jean la Guigne avec Armand Colin dans le cadre de sa collection Bibliothèque du Petit Français, liée au magazine pour enfants, Le Petit Français illustré: journal des écoliers et écolières, qui l’avait précédemment publié en feuilleton. L’histoire oppose deux jumeaux: Jacques qui prend en charge sa destinée et Jean qui s’adonne aux caprices et blâme la vie pour sa malchance.  L'année suivante, elle publie Le Jeune Théodore, son deuxième roman à recevoir un prix de l'Académie Française. Le prix Lambert salua une "touchante et morale histoire".

Comme le note Laurence Jung dans son aperçu de l'œuvre de Marie Robert Halt, ses thèmes et son style – “description réaliste de la société, attention portée aux plus pauvres, analyse des différences sociales, référence à la science et inspiration positiviste" – la placent aux côtés du mouvement naturaliste. “Mais contrairement à la plupart des œuvres naturalistes, les romans de Marie Robert Halt, plutôt destinés à la jeunesse, sont toujours optimistes et incarnent sa foi dans le progrès". Ce contraste entre son optimisme intellectuel et moral et son refus de minimiser les réalités sociales est également évident dans ses manuels scolaires et la positionne au cœur du paradoxe de l'éducation républicaine. Ce système d'éducation aspire au progrès intellectuel et moral du peuple, mais lutte simultanément avec un conservatisme social inhérent.

Cette tension entre réalités sociales qu’elle n’éducolore pas et la place également au coeur des contradictions de l’école républicaine dont les visées intellectuelles et morales progressistes se heurtent au conservatisme social.