Le projet Suzette numérique a commencé à prendre forme en 2018. Initialement conçu par le professeur John Westbrook comme un projet pédagogique pour un séminaire d’étudiants en études françaises de niveau licence, ce projet visait à leur permettre de s’initier à la recherche en humanités numériques. Le but initial était de produire une version digitale annotée du texte et sa traduction en anglais.
La complexité structurale du texte, qui a nécessité plusieurs versions de codage structurel, a quelque peu freiné son utilisation en cours. Cependant, fortement épaulé par Diane Jakacki, un groupe d’étudiants en études françaises (Annie Girton, Rebecca Heintzelman, Sarah Haber et Juilya Harnood), et d’autres (Jaehoon Pyon, Aya Tarist), ont continué le travail. Nous avons pu coder le texte structurellement, ce qui nous a permis de distinguer entre le livre de l’élève et les sections spécifiques du livre de la maîtresse. Nous avons codé les personnages (fictifs et réels) mentionnés dans les 540 pages du texte, ainsi que les lieux. À partir de ce moment où nous nous sommes davantage consacrés au codage sémantique, le projet a rapidement pris de l’ampleur.
Il nous a semblé important non seulement de produire une version diplomatique du texte et sa transcription fidèle, mais aussi de fournir des outils aux chercheurs pour analyser la manière dont ce texte a fonctionné comme artefact culturel à un moment particulier de l’histoire de l’enseignement en France. Nous avons utilisé l'organisation programmatique du texte, c'est-à-dire, ses liens avec le programme scolaire de 1882 qui a régulé les contenus éducatifs pendant une bonne partie de la IIIe République, comme un guide pour naviguer et lier les différents contenus du livre : le récit, les images, les divers questionnaires et sujets de rédaction ou de discussion, ainsi que les réponses modèles et leçons de choses fournies à la maîtresse.
Cette nouvelle phase du travail a été facilitée par l'intégration de Suzette numérique dans les projets LINCS et LEAF, basés à l’Université de Guelph (Canada). Cette intégration a notamment permis la production d’une table dynamique de contextes et l'utilisation des données ouvertes liées (linked open data) dans notre travail de codage. Nous serons ainsi en mesure de produire rapidement des cartes géographiques, des chronologies et des bases de données prosopographiques. LEAF est à la fois un outil de codage flexible et une plateforme de publication. Cette dernière permet une navigation complexe à travers le texte et des requêtes qui mènent à des points précis du texte, à des illustrations, ou à des liens Wikidata.
La prochaine étape sera d’appliquer un schéma spécifique, actuellement en cours d’élaboration, pour traiter les données culinaires du texte. Ce schéma nous permettra d'étudier la culture culinaire véhiculée par le texte - les ingrédients, les techniques, les plats, les manières de table, etc., à une époque où l'économie domestique devient un sujet obligatoire pour les filles.